Pour une Procréation Médicalement Assistée (PMA) étendue à toutes les femmes

Tribune libre de Françoise Assus-Juttner

La procréation médicalement assistée (PMA) désigne les procédés qui permettent la rencontre d’un ovule et d’un spermatozoïde, grâce à une intervention médicale. On l’appelle aussi assistance médicale à la procréation (AMP). C’est donc ce qui permet aux adultes infertiles de procréer, et aujourd’hui, c’est le cas d’un couple sur dix par an en France.

Dès l’origine, il s’est agi d’un bouleversement de la procréation par des moyens nouveaux et la société a été interpellée dans cette mutation, et en particulier,le corps médical qui a été confronté à des cas de conscience comme la possibilité pour un couple portant un handicap génétique d’y recourir.

Quand la fécondation in vitro est apparue au début des années 1980, dans le monde, elle était, en effet, considérée comme une spécialité médicale s’ajoutant aux autres, sans cadre législatif spécifique, la loi est intervenue et celle-ci a régulièrement évolué pour apporter des réponses posées au-delà de l’acte médical.

Le procédé est rentré dans les mœurs. Il se pratique à Nice tant dans les établissements privés que publics par des acteurs du secteur confrontés, dès les premiers pas, à la réflexion éthique.

Les médecins n’avaient pas à résoudre seuls les obstacles sociétaux.

C’est ainsi qu’un groupe de travail « Éthique et PMA » pluri-disciplinaire s’est créé à Nice en 2014 du fait de difficultés croissantes rencontrées dans le monde de la Procréation Médicalement Assistée et aux vides laissés par la Loi de Bioéthique, dont la France s’est dotée dès 1994.
Ces vides sont apparus au fur et à mesure de l’évolution de la société et de l’infertilité grandissante.
La loi a dû évoluer sans cesse en écho au questionnement des groupes de travail du territoire national qui se sont créés à l’instar de celui de Nice.

Citons celui-ci, dans son questionnement d’actualité : « doit-on ouvrir la PMA aux couples de femmes homosexuelles et aux femmes seules ? Est-ce soutenir alors, que le père est inutile ? Est-ce la société qui doit payer pour cette extension du désir d’enfant ? Y-a-il un droit à l’enfant ? »

Autant dire qu’en cette journée du lundi 8 mars 2021, journée internationale de lutte pour les droits des femmes , la question de l’égalité avec l’homme se pose aussi dans ce cadre.
Cette différence de traitement en France s’est fait sentir dès l’ouverture au public de la technique.
Ainsi, l’âge de la mère a été limité par le délai au 43ème anniversaire, alors qu’aucune limite d’âge n’était exigée pour le père donneur et seul un couple hétérosexuel, avec pathologie médicale avérée, en âge de procréer, et doté d’un “projet parental”, était accepté.
Les réactions multiples, et notamment le document de l’Église Donum vitae sur « le respect de la vie humaine naissante et la dignité de la procréation » en 1987, ont conduit les États à définir un cadre législatif ou des lignes directrices.

L’Italie, la Pologne (après plus de vingt années de pratique sans encadrement législatif), la Roumanie, la République tchèque, la Lituanie, la Slovaquie et la Slovénie ont autorisé la PMA, mais en la réservant également seulement aux couples hétérosexuels.
Puis, est venue naturellement la question de la définition du couple et celle des droits d’accès à la femme seule ou en couple lesbien.

C’est justement sur ce point que récemment, en février 2021, le Sénat s’est illustré en se prononçant contre l’extension de la Procréation Médicalement Assistée à toutes les femmes, par refus d’intégrer ce que l’Assemblée nationale avait admis en écho aux exigences d’une société qui n’est pas figée dans sa quête de liberté, d’égalité et de solidarité.

Cette égalité est donc toujours rompue si l’on sait que, de plus, les sénateurs ont aussi refusé la possibilité pour les femmes d’une autoconservation de leurs ovocytes sans raison médicale, alors que la conservation du sperme est un des corollaires de la PMA.
Nous ne sommes pas au bout de la navette parlementaire et il appartiendra à l’assemblée nationale de trancher, il faut par un débat sociétal de progrès l’y aider.

Les associations LGBT et représentant les mères seules ont exprimé leur colère, dès après ce rejet par le Sénat de l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux célibataires.
On explique cette position par une posture électoraliste dans un climat entretenu par les associations hostiles au mariage pour tous, alors que des pays voisins de tradition catholique ferme n’ont pas cette résistance.
Ainsi les lois espagnoles de 2006 admettent que les femmes seules aient droit à la PMA sans âge maximum.
Leurs études, avec le recul, montrent que les enfants qui en sont issus n’ont pas plus de difficultés identitaires ou psychologiques quand ils sont issus de couples homosexuels féminins ou masculins ou quand ils ont pour parents un couple hétérosexuel.

Nice au Cœur, en cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes, aurait préféré se consacrer à d’autres sujets comme le font bien des pays ou même l’ONU qui invite à réfléchir sur la pauvreté des femmes accrue par la crise COVID.

Cependant l’actualité réactionnaire et régressive dans notre pays nous oblige à nous consacrer à la PMA pour tous et toutes alors qu’il y a pourtant sur le territoire, d’autres urgences liées à cette nouvelle précarité en période sanitaire qui touche les femmes plus que les hommes.

Françoise ASSUS JUTTNER
Secrétaire générale de Nice au Cœur