L’argent sale au chevet d’une politique de la ville moribonde ?

Communiqué de presse du 20 juillet 2023

Ce qui semble s’être passé aux Liserons est une injure aux valeurs républicaines et démocratiques dans un état de droit. Cela reflète le sentiment d’abandon de ceux que l’on appelle les « assignés à résidence ».

La fête organisée au 328 route de Turin pour la fin de l’Aïd avec structures gonflables amenées et merguez à volonté a connu un vif succès par sa gratuité, critère très important pour des familles défavorisées. L’ennui c’est que cette fête n’a pas été financée par des associations ou par un collectif de parents qui n’auraient pas pu s’acquitter d’une telle facture. Il n’y a pas d’organisateur officiel et pour cause, ce sont les dealers qui pourraient l’avoir financé !

Cette affaire est très grave et symbolise nos échecs en matière de politique de la ville qui, au vu de l’accélération de la dégradation socio-économique, ne peut plus répondre aux besoins des populations. Cette ghettoïsation progressive de zones où l’Etat ne rentre plus, et que l’on pensait concerner surtout la banlieue parisienne, est en train de gangréner la ville de Nice.

Mais, même si les responsables politiques ne sont pas exempts de tout reproche, il est inconcevable de laisser passer cela. Sinon dans quelques mois, années, ce sont les dealers qui financeront au « black » les associations pour blanchir de l’argent sale et s’assurer paix sociale et statu quo dans leurs territoires.

Cela, nous ne pouvons pas l’accepter. Ce quartier fait l’objet d’une importante opération de renouvellement urbain où 34 millions d’euros seront injectés. Pour quel résultat ? A la fin, la dédensification conduira à une diminution du nombre de logements sociaux alors que l’on en manque cruellement et que 19 000 demandes sont actuellement en attente.

Les habitants ont besoin d’un espoir, d’une perspective, d’immédiat compte tenu de l’urgence et cela, la puissance publique n’est pas capable de leur amener actuellement. La puissance publique réfléchit à l’horizon 2030, la ménagère, au jour le jour.

Dans l’immédiat, je veux livrer quelques propositions pour alimenter notre réflexion :

– Réintroduire du service public et demander la réouverture de l’école maternelle l’Aquarelle à l’Education nationale ;

– Donner des moyens supplémentaires aux associations qui œuvrent sur ce terrain difficile, à la hauteur des besoins dans ce contexte particulier car il est vital que « les gamins » ne perçoivent pas les dealers comme des bienfaiteurs ;

– Développer la gratuité dans les centres de loisirs ou d’éducation populaire ;

– Se servir des centres de loisirs pour accentuer la mixité et rompre avec l’étanchéité des quartiers ;

– Créer une cellule de veille citoyenne ;

– Intégrer que la réussite de la politique de la ville ne mesure pas aux millions d’euros investis dans les quartiers mais à la manière dont on fait vivre les projets sur plusieurs années.

Ces réflexions car la République doit reprendre ses quartiers, partout, pour tous.

Patrick Allemand

Ancien conseiller municipal et métropolitain de Nice