Relocalisations et souveraineté industrielle post-covid : Augmentons la représentation des salariés dans les entreprises

Longtemps les délocalisations n’étaient abordées que sous l’angle de la destruction des emplois qu’elles engendrent, de la dégradation de la balance commerciale, et rangées rapidement derrière une supposée perte de compétitivité de la France comme une fatalité.

La crise sanitaire actuelle a mis en évidence une autre conséquence de cette désindustrialisation française : la perte de contrôle sur la production de biens essentiels. Particulièrement les masques voire certains médicaments, dont la production, pilotée par des multinationales, se situe dorénavant à l’étranger.

Le gouvernement a annoncé avoir enfin pris la mesure du problème, avec un volet de son plan de relance consacré à la relocalisation de ces différentes activités en France. Mais ces mesures sont-elles crédibles ? Et que faudrait-il pour que cet objectif devienne réalité ?

Les mesures visant à combler une différence de coûts de production n’ont que peu de chances d’être efficaces s’il s’agit de subventions « one shot ». Si au contraire ces subventions perdurent dans le temps, cela viendra aggraver l’iniquité fiscale en faveur des grands groupes dont est coutumier le gouvernement, érodant la base fiscale sans résultats probants (à l’instar du CICE) et donc justifiant par ailleurs des restrictions budgétaires.

Cependant, une mesure pourrait être efficace dans ces relocalisations : la représentation des salariés au conseil d’administration des entreprises. En œuvre depuis l’après-guerre dans les pays du Nord de l’Europe et de l’Allemagne, cette mesure longtemps portée par la social-démocratie permettrait aux salariés de voter contre le démantèlement du tissu productif français. Cette piste n’est pas anecdotique puisque selon des travaux récents, cette plus forte représentation permet de maintenir les machines sur le territoire nationalsans pertes de profitabilité pour les entreprises !(1)

Ainsi, si nous voulons maintenir et faire fructifier l’emploi industriel en France et garantir notre souveraineté en approvisionnement stratégique, revoir la place des salariés au conseil d’administration des entreprises serait non seulement une stratégie efficace mais également peu coûteuse, et une affirmation de notre conviction que l’efficacité économique ne s’oppose pas à la démocratie.

 

Par Charlie JOYEZ, Assistant-Professeur en Sciences économiques à l’université de Nice Sophia-Antipolis

 

[1] Cf Vincent Vicard , 2020. « Réindustrialisation et gouvernance des entreprises multinationales, »
CEPII Policy Brief 2020- 35 ,  2020 , CEPII.