Discours de présentation des vœux de Patrick Allemand samedi 13 janvier 2018 à la Black Box de Bon Voyage
Vous trouverez ci-dessous le discours que j’ai prononcé à l’occasion de mes vœux aux Niçoises et Niçois, samedi 13 janvier 2018, à la salle Black Box de Bon Voyage :
« Je veux commencer par remercier Françoise Assus-Juttner qui s’est acquittée avec sa gentillesse habituelle et avec brio de sa tâche. Elle va remplacer Nikos Aliagas pour la prochaine saison de The Voice. Et puis remercier mon équipe, celle de Nice au Cœur autour de Fouzia Ayoub pour toute cette organisation.
Je vous souhaite à tous une bonne année et surtout une bonne santé. Le reste dépend de chacun d’entre nous, de son parcours, le reste est intime mais sachez que je vous souhaite à tous le meilleur et du fond du cœur.
Il s’en est passé des évènements depuis les vœux de l’an passé. 2017, c’est l’année où les Français se sont prouvés qu’ils pouvaient transformer la vie politique par leurs bulletins de vote : une élection présidentielle incroyable, des élections législatives renversantes.
Je ne m’étendrai pas longtemps sur les enjeux nationaux, c’est trop « casse gueule » pour moi aujourd’hui, et puis je pense que le temps est à l’humilité et non aux certitudes. Alors que la situation politique n’a jamais été aussi complexe, les jugements n’ont jamais été aussi rapides et simplistes.
Je le dis clairement, je fais de la politique pour améliorer le sort des gens. Le socialisme est mon idéal mais je souhaite que ce gouvernement réussisse pour le bien de tous. Et je pense que ceux qui spéculent sur l’échec de Macron pour revenir à la reconstruction des deux grands partis de gouvernement , au bon vieux clivage droite gauche, se trompent.
Alors, on va dire Allemand il est de droite ! Vous croyez sincèrement qu’avec tout le parcours politique que j’ai accompli, je deviendrai de droite ? Je suis viscéralement de gauche. Mais je tire simplement les conséquences de ce qui se passe là devant nous et que nous ne nous ne voulons pas comprendre parfois parce que cela nous sort de notre zone de confort. Ce clivage est obsolète parce que l’Europe et la mondialisation l’ont fait voler en éclat. Ce clivage qui a eu du sens est dépassé parce que les Français ne s’y retrouvent plus. Avant, c’était simple, ils étaient ou de droite ou de gauche. Aujourd’hui, finalement ils ont mieux appréhendé la complexité du monde que les responsables politiques.
Avant, si on était libéral et conservateur, on était de droite
Si on était dirigiste et progressiste, on était de gauche
C’était simple, mais, c’était avant.
Mais aujourd’hui, en plus, il y a l’Europe et la laïcité qui laissent apparaître de nouvelles zones de fracture. Le résultat, c’est que les Français sont divisés en 4, voire 6 blocs. Et ce sont les socialistes qui ont été les plus impactés.
Je suis heureux de vous retrouver parce qu’il y a de l’amitié entre nous, de la confiance, mais aussi parce que cette plateforme citoyenne, Nice au Cœur, à laquelle je sais que beaucoup ne croient pas, cette plateforme, c’est un carrefour, un carrefour où chacun peut se retrouver, se parler de manière apaisée parce que la première chose dont nous manquons cruellement en ces temps incertains et difficiles, c’est de fraternité et de tolérance.
Il y a une dérive inacceptable qui prospère sur les réseaux sociaux et qui met en danger notre fonctionnement démocratique. Le débat connaît une violence verbale ou écrite sans précédent.
L’injure est devenue banale. Il y a un besoin de cataloguer tel ou tel responsable politique, de le faire entrer dans telle ou telle case. Quelles que soient les pressions, rien ne me fera dévier de la ligne de conduite que je me suis fixé. Mais enfin, il faut que vous sachiez que j’ai une équipe de « snipers », ce sont des bénévoles, présents sur les réseaux sociaux qui n’hésitent pas à me défendre lorsque je suis attaqué sur mes posts. Je pense notamment à Jaz.
Je vais vous donner un seul exemple de cette dérive, de cette intolérance, un seul.
Parce que je défends la mosquée En Nour, je serais communautariste, moi qui ai toujours combattu le communautarisme parce que je considère que c’est un danger pour la République.
Parce que je défends la mosquée En Nour, je serais un opportuniste et un clientéliste. Vous savez à Nice, défendre une mosquée, ça attire plutôt des ennuis que des électeurs !
Non, je défends cette mosquée parce que c’est à la fois une cause juste et un symbole.
C’est une cause juste parce qu’elle permet de rappeler ce qu’est une République laïque et ce qu’elle ne peut être. La laïcité, c’est un instrument de liberté et d’émancipation, ce n’est pas un outil de coercition.
La laïcité, ce n’est pas une religion d’Etat, c’est garantir à chacun sa liberté de croire ou de ne pas croire, à l’intérieur des règles de la République qui nous fédèrent, et d’exercer son culte librement dans le lieu de culte de son choix. C’est cela et rien de plus.
En Nour, c’est aussi un symbole. Depuis des années, En Nour défie le maire de Nice sur le terrain du droit et démontre qu’à Nice aussi, même si c’est plus difficile, il y a un état de droit. Furieux après En Nour, le maire s’est un jour, en séance publique du Conseil municipal, laissé aller à dire qu’il trouverait toujours les moyens juridiques de s’opposer à la construction d’une mosquée s’il ne l’a pas décidé lui.
C’est ainsi que l’on a vu surgir cette brillante idée de mise en place d’une déclaration d’utilité publique pour expulser la mosquée et construire une crèche à la place. Mais le préfet de l’époque, le préfet Colrat, un grand serviteur de l’Etat, ne s’est pas laissé intimider et a refusé de signer cette DUP.
Alors, le maire a fait appel auprès du conseil d’Etat, la plus haute juridiction, et il a perdu.
Il a perdu parce que le Conseil d’Etat a rappelé que le rôle d’un maire était de faciliter l’exercice des cultes, et non de les administrer, encore moins de les entraver. La mosquée a donc ouvert depuis un an et demi, elle développe son activité en bonne intelligence avec le voisinage. Tout le monde pensait ce dossier définitivement classé mais c’était méconnaitre la détermination du maire qui a relancé l’affaire.
Nous voici à l’aube d’un nouveau contentieux juridique et je voulais redire, à ceux qui le subissent, mon soutien et ma solidarité.
Il ne faut pas se laisser faire. Il faut que vous preniez conscience de ce que vous représentez comme engagement, comme citoyenneté, comme force aussi. C’est chacun d’entre vous qui est le symbole de ce Nice qui résiste, de ce Nice qui ne renonce pas ! C’est à vous que je veux rendre hommage. Sans vous, nous n’y arriverions pas ! C’est chacun d’entre vous, que vous soyez militants politiques, syndicaux, associatifs ou citoyens qui m’avez permis avec Nice au Cœur de m’extirper des appareils politiques, d’avoir pu prendre de la hauteur et d’être un homme de gauche à la parole libre.
Nous sommes, on m’a communiqué le chiffre. 312. Sincèrement qui peut faire à Nice parmi les progressistes, une salle pareille ? Personne ! Et nous le réussissons parce que nous sommes ensemble, parce que Nice au Cœur nous rassemble, parce que nous sommes un collectif qui grandit chaque semaine, parce que nous sommes la force du rassemblement qui au fil des mois à venir va démontrer que c’est terminé le temps des accords d’appareil qui étaient l’addition de coquilles vides ou à moitié pleines. Cela appartient au passé et ceux qui ne l’ont pas compris, après le séisme de 2017, s’apprêteront à revivre le même cauchemar en 2020.
Ce que nous sommes, nous allons maintenant en 2018, commencer à le transformer en dynamique. Cela s’appelle l’engagement ! J’ai entendu, il y a quelques temps, un élu au conseil municipal dire après la perte de la Région, Allemand on en parlera plus dans quelques semaines, et le même redire après les présidentielles, cette fois on va en être débarrassé. Et nous sommes là, plus nombreux que l’an passé. Pourquoi ?
Il y a deux raisons :
La première tient à ma façon de faire de la politique. Nous avons construit au fil des années une relation éthique, politiquement authentique, exigeante parfois mais d’égal à égal. Lorsque j’étais 1er vice-président à la région, j’ai subventionné des associations bien sûr mais je n’ai jamais exigé de contreparties. Ceux qui croyaient en moi, et qui voulaient m’aider, tant mieux, mais les autres avaient le droit de vivre. Je n’ai jamais pratiqué le clientélisme. Un vilain mot malsain, qui crée des relations artificielles, des relations de vassalité.
Ces relations là ne durent pas. Le jour où vous avez les poches vides, les gens se détournent et vous récoltez ce que vous avez semé. Eh bien ici, j’ai les poches vides et vous êtes de plus en plus nombreux. Parce qu’il y a toujours eu du respect et jamais de clientélisme.
La deuxième raison, elle tient en un seul mot : l’espoir. C’est que cette salle représente l’espoir d’autre chose ! C’est ce qui nous fonde, c’est de donner de l’espoir à notre ville, aux Niçoises et aux Niçois parce que Nice, on ne la transformera pas si nous ne portons pas d’espoir, si nous ne leur montrons pas comment en même temps, nous pourrons améliorer le quotidien et le vivre ensemble.
Il faut que cette ville soit une, il faut la décloisonner, il faut que ça circule, que les gens s’ouvrent, qu’ils se découvrent, qu’ils se nourrissent de leurs différences. C’est cela l’espoir que nous portons, C’est cela le discours que nous tenons au quotidien dans nos entreprises, dans nos associations pour faire avancer notre démarche.
C’est cette vision que nous défendons avec mes collègues au conseil municipal dont je salue le travail à mes côtés, Christine Dorejo qui est présente et Paul Cuturello qui nous regarde depuis Tenerife. C’est cette vision que nous partageons avec les responsables politiques, qu’il s’agisse de Ladislas Polski, de Nathalie Audin, de Khaled Ben Abderrahmane ou de Xavier Garcia qui sont dans cette salle parce qu’ils ont compris.
Alors, il y a des leviers pour construire ce décloisonnement et cet espoir. Nous devons nous servir de ce qui ne dépend pas de nous et l’améliorer avec ce qui dépend de nous. Des leviers j’en vois 5 : l’école, l’emploi, le sport, la culture et le logement.
Cet espoir nous devons d’abord le redonner par l’école. L’école c’est là que se construit une société, ce n’est pas par la prison ou par la haine. Il faut refuser le chômage de masse dans certains quartiers. Cela existe à Nice ! La pauvreté, l’assignation à résidence dans les quartiers comme disait Macron, cela existe ici, près de nous. Il y a des quartiers où une politique suicidaire d’attribution des logements sociaux a conduit à concentrer les difficultés et à pratiquer la forme la plus dangereuse de communautarisme. Alors, on dit souvent que l’Etat n’est plus chez lui, mais parce que souvent, c’est la République qui a reculé. Je ne suis pas pour le défaitisme, je ne crois pas aux fatalités. C’est pour cela que je suis avec beaucoup d’attention deux mesures qui ont été prises récemment : le dédoublement des classes de CP et de CE1 jusqu’à 12 élèves pour apprendre à lire, à écrire et à compter, et, la reprise des études dirigées parce que les inégalités, ce n’est pas à l’école qu’elles sévissent, c’est quand l’école est terminée.
L’espoir, c’est aussi le travail qui doit le redonner et là aussi, il faudra suivre avec beaucoup ‘attention la nouvelle politique de la ville.
C’est terminé les zones franches où l’on demandait aux entreprises de s’installer dans les quartiers afin de bénéficier des allègements de charges sociales et qui permettaient d’embaucher les jeunes sur place. Ce dispositif avait un défaut majeur, c’est que l’on ne sortait pas du quartier. Ce n’est pas comme cela que l’on construit une communauté, la communauté, c’est l’ouverture et le partage.
C’est pourquoi il faut voir ce que donnera le développement des « emplois francs » parce que la logique est inverse. Les aides ne sont plus attribuées à une entreprise dans le quartier, elles sont fléchées sur le jeune où qu’il aille. Un jeune de l’Ariane, jeune diplômé, pourra aller voir un chef d’entreprise à Sophia Antipolis en lui disant, « prenez-moi » je vous coûterai 30% de moins parce que je viens de l’Ariane. Quel changement. Voilà un dispositif qui va transformer un handicap en une discrimination positive. Venir de l’Ariane va devenir un atout. Tout cela permettra aux gens de circuler parce que, pour éviter qu’une ville se sclérose, il faut que ça circule. Et je ne peux passer là dessus sans redire mon attachement à l’extension de la ligne 1 du tram vers l’Ariane et La Trinité chez Ladislas.
Nous devons redonner l’espoir par la culture. Parce que la culture, c’est ce qui nous rassemble et nous rend meilleur, parce que la culture, ça décloisonne.
Et je veux saluer ici le travail d’Irina Brook, la directrice du TNN qui est en train d’ouvrir le théâtre à tous les quartiers. Nice est une ville de culture. Je ne vais pas me lancer dans une énumération de tous ceux qui ont marqué l’histoire de notre ville, qu’ils soient musiciens, écrivains ou peintres. Mais retenez seulement une chose. Citez-moi une seule ville qui a donné au monde deux prix Nobel de littérature contemporain. Il n’y en a qu’une, c’est Nice ! Avec Jean Marie Le Clézio et Patrick Modiano. Mais la culture, elle bouge, elle est polyforme, elle est ce que nous avons vu tout à l’heure, les danseuses de l’association Young Dream, entourée de leur coach Youssri et de leurs professeures. Enza, Luana, Izaïdy, Emmy, Melissa, Ivana, Tatiana, Virginie, Ariane, Houleye, Keylane. Ce bouquet de prénoms c’est ma conception de la culture. La culture, c’est C2K, c’est « mon pote » qui nous fait passer le frisson en chantant « partis trop tôt », la culture c’est enfin Lady G et Badou la rencontre d’une citoyenne du monde avec le talent africain. Tous sont là, tous sont venus bénévolement parce que ce qu’ils avaient envie de nous faire partager ce qu’ils sont.
Nous devons aussi redonner l’espoir par le sport. Moi je suis un enfant de la génération du « Gym » qui terrassa au stade du Ray, un soir d’automne, le grand Barcelone 3 à 0. Xavier est de la génération qui vit le « Gym » faire exploser le Racing Club de Strasbourg 6 à 0.
Nous sommes devenus supporter du « Gym » parce que c’est le club de notre ville, parce qu’ils nous ont fait rêver quand nous avions 15 ans, parce qu’ils nous ont fait pleurer. Voilà pourquoi le sport est fédérateur, voilà pourquoi un stade décloisonne. Quand je vois les petits de l’USONAC sortir, aller jouer dans le Var, ou dans toute la région? Je vous pose la question : Qu’est ce qui, en dehors du sport, les feraient sortir de leur quartier ? Quand je vois dans la salle Zoubaïr Mamoudi, qui fut champion du monde de kick Boxing et qui est un ami, je vous pose la question : Combien de jeunes, qui ont rêvé de lui ressembler, sont allés à la salle apprendre la douleur mais aussi le respect de l’autre ?
Cet espoir, c’est aussi celui de combattre au quotidien avec nos moyens faibles pour le moment, la pénurie de logements sociaux qui frappe notre ville. Il n’est pas normal que l’on attende 6 ans et parfois plus, un logement social. Il n’est pas normal que certaines situations prioritaires ne trouvent pas de solution. Je pense, à cet instant, à Bernard Lesieur, qui a dormi des mois dans sa voiture et que la générosité de citoyens a sauvé d’une mort possible parce qu’à la période grand froid, aucun hébergement ne voulait l’accueillir parce qu’il avait un petit chien. Il n’est pas normal que certaines familles, en attendant, consacrent 40 %, 50 %, et parfois plus de leurs revenus pour se loger, pouvant ensuite à peine vivre. Nous devons porter, chacun d’entre nous, cette revendication de construire plus de logements sociaux.
Et quand je lis que le maire de Nice se félicite de voir le prix des logements augmenter de 10 % et d’y voir le symptôme de l’attractivité de sa commune, je me demande s’il a toute sa raison. C’est archi faux. Nice et la métropole ont perdu des habitants entre les deux derniers recensements. Nous sommes les seuls dans ce cas. Toutes les métropoles françaises progressent. Où est l’attractivité ? C’est la pénurie de logements sociaux qui fait monter le prix dans le privé, pas l’attractivité !
Cet espoir enfin c’est de rendre à Nice sa place parce que notre présent n’est pas à la hauteur de notre grande histoire. Nice a toujours été complexe.
Nice fut une ville déchirée entre son passé sarde et son avenir français.
Nice fut une ville déchirée pendant la guerre entre la collaboration du Parti populaire français fondé à Nice et la résistance incarnée par Jean Moulin ou Torrin et Grassi, pendus aux lampadaires des Galeries Lafayettes par les nazis.
Nice est tout cela mais Nice est aussi une ville monde.
Elle l’était quand elle a accueilli les Anglais et la reine Victoria, les Belges et le roi Léopold, les Arméniens survivants du génocide de 1915 dans le vallon de la Madeleine, les Piémontais chassés par les fascistes de Mussolini, les Républicains espagnols fuyant l’Espagne du franquisme, les rapatriés, les vagues migratoires issues des pays décolonisés. Vous êtes tous là dans cette salle. Et, je ne peux pas ne pas penser aux migrants pour lesquels nous pouvons et nous devons mieux faire.
Vous êtes, nous sommes tous, d’où que l’on vienne, les acteurs de cette mutation que nous attendons tous, et notre énergie nous la mettons en commun pour laisser à la génération qui arrive à la politique, celle de Hawa, la responsable jeune de Nice au Cœur, une ville plus ouverte que nous sommes en train de construire pour leur avenir.
Vous êtes, nous sommes, tous les fruits de cette histoire, que vous soyez Niçois par votre histoire familiale, originaire de Tunisie, cher Sami, d’Algérie, cher Khaled, du Maroc, chère Feiza, du Sénégal, cher Badou, du Cameroun, cher Zacharie, des Comores, chère Mouinate, chère Leila, de partout ailleurs dans le monde.
Tout cela, nous le ferons ensemble car aujourd’hui, dans cette salle, d’où que vous veniez, je ne vois que des Niçois, fiers d’être Niçois ! Elle est là l’énergie de Nice demain !
Vive Nice et bonne année à tous ! »