Réponse de Patrick Allemand à David Nakache
Vous trouverez ci-dessous la réponse de Patrick Allemand à David Nakache aux différentes attaques formulées avant et après le premier tour de l’élection municipale de Nice du 15 mars 2020.
Bonjour David,
Le 28 février dernier, tu m’as interpellé en me posant 5 questions. Je n’ai pas jugé utile d’y répondre car le moment politique ne se prêtait pas à un échange dont je connaissais par avance l’issue puisque ces questions étaient toutes à charge et avaient pour objectif de démontrer que je n’étais, selon toi, pas vraiment de gauche.
Les élections étant passées, je ne pensais pas à avoir à y revenir mais ta réaction, ces derniers jours, montrant qu’il n’y a de ta part aucun apaisement à attendre, je le fais.
Concernant mon appel à voter pour Emmanuel Macron, je n’ai jamais appelé à faire perdre les candidats de gauche. Ils n’ont pas eu besoin de moi pour perdre tout seuls. A partir du moment où il n’y a pas eu possibilité d’une candidature unique Hamon-Mélenchon, ils se sont trouvés dans une situation similaire à celle que nous venons de vivre à Nice. Le jour où j’ai appelé à voter Emmanuel Macron, le 13 mars 2017, il était acquis que Benoît Hamon, qui venait de chuter à 12 % et Jean Luc Mélenchon, qui le devançait d’à peine 2 %, n’étaient à ce moment-là, plus en situation d’être au second tour de la « présidentielle ». C’est la raison pour laquelle, l’appel à voter pour Emmanuel Macron m’est apparu comme la seule solution permettant d’éviter un duel entre François Fillon et Marine Le Pen, entre l’extrême droite et un candidat susceptible d’être condamné par la justice. Je suis profondément républicain, je crois en les valeurs de la République, j’ai toujours voté, lorsque c’était nécessaire, contre l’extrême droite, mais là, voter Fillon, c’était au-dessus de mes forces.
Tu me demandes si je regrette cet appel et ce vote ? Ce n’est pas là que se situent mes regrets. Mes regrets, c’est la politique qu’il mène et que je combat comme beaucoup d’autres électeurs de gauche et socialistes qui ont été floués, trompés par un discours en total décalage avec les actes de son gouvernement. Tu sais très bien que j’ai été l’un des premiers responsables politiques, bien avant le Covid19, à avoir témoigné mon soutien aux soignants et à dénoncer la crise de l’hôpital. Et j’ai participé à plusieurs défilés de protestation contre la réforme des retraites.
C’est pour cela que je vois particulièrement mal le fait de t’entendre répéter, avec belle constance, que je soutiens la politique d’Emmanuel Macron. L’espoir d’une politique juste socialement, d’inspiration social-démocrate, n’aura pas dépassé le seuil d’un été. Je me situe dans l’opposition, même s’il peut m’arriver de temps à autre, d’accorder un satisfecit sur un point particulier. Cela s’appelle l’honnêteté intellectuelle, une discipline que je m’applique le plus souvent possible.
Oui, j’ai soutenu François Hollande pendant son quinquennat. Et j’espère qu’un jour la manière dont cet homme a exercé son mandat sera réhabilitée. Il mérite mieux que le sort qui lui a été réservé par un électorat de gauche totalement déstabilisé par des attaques venues de son propre camp, celles des frondeurs. Un jour, tu as décidé de démissionner du Parti socialiste pour, disais-tu, « rester socialiste ». Moi, j’ai choisi de rester au Parti Socialiste.
Loyauté ne signifie pas pour autant aveuglément. Je sais que François Hollande a commis un certain nombre d’erreurs, notamment sur la déchéance de nationalité, une fausse bonne idée censée rassembler la France, mais qui, en fait, ne divisa que la gauche. Je suis de ceux qui ont vécu douloureusement le départ de Christiane Taubira du gouvernement.
C’est cette déchéance de nationalité qui a fait que je n’ai pas soutenu au premier tour de la primaire socialiste, Manuel Valls. Ne fais pas semblant de l’ignorer. Pour ma part, j’étais dans le département du 06, le représentant du candidat Vincent Peillon qui me semblait, dans le contexte politique du moment, avoir un profil plus rassembleur que celui de Manuel Valls, devenu trop clivant. Par contre, au second tour, je n’ai pas voté Benoît Hamon parce que c’était le leader des « frondeurs ». J’ai pour ma part une certaine conception de la loyauté en politique.
Contrairement à ce que tu as dit, je n’ai pas voté pour une rue Jacques Médecin. J’ai voté pour une délibération globale qui comprenait, entre autres, la rue Jacques Médecin. Autant sur les deux premiers points, je me suis senti personnellement interpellé, autant là, il s’agit d’une décision du groupe « Un Autre Avenir pour Nice », prise dans des conditions particulières. En effet, pendant des années, nous avons travaillé pour faire admettre au maire de Nice qu’il fallait honorer la mémoire de Pierre Joselet et Max Cavaglione qui ont marqué l’histoire de la gauche niçoise. Même si tu devais être au collège à cette époque, tu connais parfaitement leur rôle. Ils sont à l’origine directe de la chute de Jacques Médecin. Ce sont eux qui ont mis fin à cette dynastie. La délibération initiale ne mentionnait pas la rue Jacques Médecin. Ce n’’est qu’en séance que le maire a amendé la délibération pendant le débat. Il était extrêmement difficile d’aller contre une délibération qui nous donnait enfin satisfaction par rapport à notre demande initiale. Nous avons pensé que l’essentiel n’était pas Médecin mais que l’on rende hommage à ceux qui nous en avaient débarrassés après un long et courageux combat politique.
Par ailleurs, nous nous sommes abstenus sur la délibération concernant le travail le dimanche à Nice parce que, précisément, cette délibération ne concerne pas toute la ville de Nice mais certains quartiers du centre ville, délimité par la Zone Touristique Internationale (ZTI).
Enfin, concernant Cap 3000, il faut être très précis. Nous n’avons jamais eu une délibération nous invitant à nous prononcer pour ou contre « le doublement » de Cap 3000. Par contre, ce que je tiens à dire c’est que nous avons voté contre le projet de Polygone Riviera et contre le projet de centre commercial Nice One. Nous avons également combattu l’idée de rajouter une grande surface au Grand Arénas à coté du futur grand palais des Expositions (s’il voit le jour).
Pour en revenir à Cap 3000, je précise qu’il ne s’agit pas d’un doublement mais d’une extension rénovation portant sa superficie de 85 000 m² à 135000 m². C’est le groupe Altarea Cogedim qui a porté cette opération pour un investissement de 425 millions d’euros.
La délibération sur laquelle nous nous sommes abstenus concernait une demande de participation financière à la métropole pour le financement du recalibrage des accès routiers. Le budget des travaux s’élevait à 17,4 millions d’euros dont les trois quarts ont été financés par Altarea Cogedim. La participation de la métropole s’élevait à 4,3 millions d’euros et c’est la raison pour laquelle nous nous sommes abstenus sur ce dossier, somme toute, financièrement marginal. Je le répète, le principe de l’extension n’a jamais été soumis au vote des élus.
J’ai pu ainsi voir à quel point tu accordais de l’intérêt à nos actions, nos votes, nos communiqués.
Je me permets de te signaler un certain nombre de dossiers qui ont échappé à ta vigilance à moins que tu ne souffres d’amnésie partielle :
- L’action que nous avons menée aux côtés de la LDH concernant l’application Reporty qui portait atteinte aux libertés individuelles. Cela ne t’a pas gêné, me semble t’il, d’être un des partenaires de ce collectif.
- La prise de position et l’action très claire menée en lien avec la CNIL pour faire stopper la reconnaissance faciale au lycée des Eucalyptus.
- Le sauvetage de la villa Paradiso dont nous avons obtenu la protection au titre de l’inscription aux monuments historiques, permettant à ce bâtiment remarquable d’échapper à une vente sur « Le Bon Coin ».
- L’extension du périmètre d’indemnisation des commerçants touchés par les travaux de la ligne 2 du tram, au delà du Boulevard Gambetta, vers la rue de France, afin de défendre le petit commerce de proximité, tellement nécessaire au maintien de l’animation et du lien social.
- La création d’un fonds d’aide aux associations pour leurs dépenses de sécurité. C’est ce fonds, dont nous sommes à l’origine, qui a permis à des dizaines d’associations d’être sauvées et de pouvoir continuer à organiser des manifestations de proximité si importantes pour la vitalité de notre démocratie et pour la solidarité et la culture. Nous avons notamment, par ce fonds, permis au Parti Communiste de sauver la fête du Château. C’est cette manifestation qui est le plus soutenue financièrement.
- La réouverture des fontaines, dossier sur lequel tu n’as pas été gêné semble t’il de battre l’estrade à mes côtés.
- La gratuité du carnaval pour les personnes handicapées, un geste de solidarité qu’il fallait faire, me semble t’il.
- La bataille pour l’hébergement des personnes SDF où nous avons fini par obtenir l’ouverture d’un foyer supplémentaire à la rue El Nouzah pour éviter, durant les mois d’hiver, les nuits trop froides en extérieur. Nous avons aussi obtenu l’assouplissement des horaires d’ouverture et d’accueil qui étaient beaucoup trop rigides.
- Le passage en régie municipale de l’eau, un combat débuté sous Max Cavaglione et poursuivi par Paul Cuturello, depuis 2001, et dont avons vu le terme.
- La bataille que nous avons menée contre le déménagement du stade du Ray à Saint Isidore. Ce n’est pas que l’Allianz Riviera ne soit pas un beau stade, mais nous affichions d’autres priorités politiques, notamment le logement social.
- La tarification sociale des cantines scolaires, à 80 centimes d’euros le repas pour les maternelles et à 1 euro pour les primaires, pour venir en aide aux familles les plus en difficultés, les plus fragiles. Situation qui s’est révélée au grand jour pendant la pandémie de Covid19 où j’ai demandé au maire et obtenu la création d’une aide de 100 euros par mois pour les familles qui n’avaient pas les moyens de nourrir leurs enfants après la fermeture de la cantine scolaire. Mais ce n’est sans doute pas être de gauche.
- La bataille que Nice au Cœur, aidé par d’autres, a menée pour contraindre le maire à rouvrir le dossier de l’extension de la ligne 1 du tram à l’Ariane et à La Trinité. Un combat mené pour atteindre plusieurs milliers de signatures et où ton association brilla par son absence de mobilisation sur le terrain, ce qui ne t’a pas empêché à chaque fois qu’il y avait une réunion publique de venir y prendre la parole sans aucun scrupule et avec ma bienveillante complicité, trop bienveillante. Nous avons mené ce combat parce qu’il symbolisait la lutte contre la ségrégation territoriale et l’injustice. C’est cela être de gauche.
- Enfin, nous avons obtenu, en pleine crise du Covid, le gel des procédures contentieuses relatives aux logements sociaux de Côte d’Azur Habitat. Ainsi que le gel des procédures expulsions, sans doute jusqu’au 31 mars 2021. Savoir que l’on a pu ôter le stress de ces familles pendant quelques mois au moins, cela me rend heureux d’avoir mené cette démarche.
Voilà ! Je préfère la gauche des solutions à celle des postures, la gauche du concret. C’est cela ma gauche, et j’en suis fier !
Bien sûr, il y a les migrants, et je salue le travail que toi-même et les bénévoles de ton association, accomplissez au quotidien. Je le salue parce que j’y adhère.
Patrick Allemand
Nice, le 9 juin 2020.