Témoignage de Michèle sur la viralité de la Covid
Michèle est une amie de plus de 40 ans, syndicaliste, écologiste de la société civile, elle est membre de Nice au Cœur, elle était 8ème sur la liste Nice au Cœur que j’ai conduite l’an passé.
J’ai choisi de publier le texte qu’elle m’a fait parvenir. Son expérience personnelle rend compte de la manière dont le virus s’est propagé dans son entourage.
Voici le récit qu’elle en fait :
A partir du 15 décembre, c’est le de-con-fi-ne-ment, plus d’attestations, plus de limites de circulation. Certes le couvre-feu nous contraint encore, certes les théâtres ne vont pas rouvrir, ni les restaurants ni … mais qu’importe, nous pouvons circuler.
Noël est en préparation. Doit-on le fêter en famille ? Nous sommes nombreux, certains de nos enfants rentrent de la région Rhône-Alpes ou le virus circule encore beaucoup.
Je consulte mes fils, le grand préfère ne pas faire de rassemblement avant d’avoir été isolé 7 jours, le petit a très envie de revoir ses cousins cousines.
Nous transigeons, le « petit » 1m95 en chaussettes, qui a contracté le virus en février, et qui a des anticorps, et moi qui suis isolée depuis le mois de mars, irons. Le grand restera à la maison. Ils fêterons tous deux Noël avec leur père qui a été malade il y a quelques semaines.Le 22 décembre, ma sœur m’appelle pour me demander si je me suis faite tester. Je ne rencontre que très peu de monde depuis le premier déconfinement, toujours en extérieur, je ne fréquente pas les commerces, je fais mes courses très tôt le matin ou à la fermeture. Donc non, je ne me suis pas faite tester, et je n’ai pas l’intention d’aller faire la queue en compagnie de gens potentiellement malades. Si c’est un prérequis, je préfère ne pas venir fêter noël en famille.
– « Regarde dans les pharmacies, c’est très rapide et tu prends rendez-vous tu ne fais pas la queue »
– « Mais enfin, rends toi compte si la France se fait tester pour réveillonner, on ne va pas s’en sortir, il vaut mieux respecter les 7 jours d’isolement. Vous les avez respectés n’est-ce pas ? »
– « ‘….’ »
– « N’est-ce pas ? »
– « Oui oui … »
– « Bon OK, je vais voir si je peux prendre rendez-vous, mais franchement… ça me gonfle. »Le 23 décembre, je fais quelques pharmacies, mais choux blanc, il n’y a plus de créneau. Je rappelle ma sœur pour le lui annoncer, et lui répéter que si c’est un prérequis, je le comprends et que je ne viendrai pas.
Patatras !!! elle m’annonce qu’elle est positive, ainsi que sa maman (ma belle-mère) et sa fille !!
– D’ailleurs elles se sont vue le 19 décembre.
– D’ailleurs elles ont été à l’anniversaire de sa tante.
– D’ailleurs sa maman a repris les répétitions de la chorale en vue du réveillon.
– D’ailleurs, d’ailleurs, d’ailleurs.Voilà comment en quelques heures ma sœur et ses trois filles, sa maman et mon père, son oncle, sa tante ses cousins et neveux sont positifs, ainsi que pour faire bonne figure, la famille de la « partie adverse » avec qui ils sont allés fêter l’anniversaire du petit.
Bref, une petite vingtaine de personnes se sont contaminées à partir d’une source inconnue. Noël est bien sur annulé pour nous, nous équipons nos parents d’un oxymètre à pouls en leur demandant de contrôler leur taux d’oxygène régulièrement.
Les parents confinés chez eux traitent d’abord la situation avec beaucoup de légèreté, et prennent nos conseils de repos… par-dessus la jambe jusqu’à ce 26 décembre ou une descente-remontée des trois étages par l’escalier épuise ma belle-mère jusqu’à se trouver mal. Elle n’a pas récupéré son souffle depuis.
Le 27 décembre son taux d’oxygène descend à 90 %, nous appelons SOS médecin, elle refuse d’aller à l’hôpital. Heureusement le médecin accepte la prise en charge à domicile avec une supplémentation en oxygène et un traitement ad-hoc.Depuis, ce sont pour moi des allers-retours chez les parents pour éviter à mes frères et sœurs de se déplacer et de se contaminer, j’ai bien sûr annulé toutes les visites de fin d’année prévues car même si je me protège, rien ne garantit que je ne propage pas le virus.
Le 1er janvier, une de nos tantes âgée et épuisée par le virus n’a pas résisté et s’est éteinte. Cela porte à 3 le nombre de personnes de mon entourage qui succombe.
Bien sûr ils avaient des facteurs aggravants, mais méritaient-ils de mourir si tôt ? Est-ce que ces visites de petits enfants et autres visites valaient peine de mort, ne valait-il pas mieux différer ces visites, s’isoler pendant 7 jours pour éviter une contamination ?
– « C’était une erreur, de se voir, de voir les petits, de dîner ensemble, de chanter ensemble … »Mais cette erreur se paie si cher ! Comment des personnes douées de sens commun ont-elles pu faire preuve d’aussi peu de discernement ?
Alors, même si j’enrage d’être privée de théâtre, de sports, de loisir, même si le couvre-feu à 18h sera compliqué à gérer avec une activité professionnelle en télétravail, c’est peut-être le prix que nous devons collectivement payer pour éviter ces « erreurs » pour protéger nos concitoyens contre leur manque de discernement.
En 2020, j’ai appris à quel point la liberté de me déplacer était précieuse, à quel point il fallait profiter de chaque moment de liberté, mais j’ai aussi appris combien la santé de ceux que nous aimons est fragile. L’usage de notre liberté ne doit pas se payer par la mort des plus faibles d’entre nous. Ce virus épuise les cœurs fragiles, encombre les poumons et laisse des séquelles irréversibles.