France-Algérie : les 22 recommandations du rapport Stora
Celles et ceux qui sont intéressés par l’Euro-Méditerranée peuvent lire l’essentiel de ce rapport ci-dessous.
L’historien souhaite la mise en place d’une commission « Mémoire et Vérité » chargée d’impulser des initiatives mémorielles communes entre les deux pays.
Le rapport de Benjamin Stora remis à Emmanuel Macron recommande la mise en place d’une commission « Mémoire et Vérité » chargée d’impulser des initiatives mémorielles communes entre la France et l’Algérie. L’historien propose que cette commission soit composée de « différentes personnalités engagées dans le dialogue franco-algérien »
Cette commission pourrait formuler des recommandations sur les 22 points suivants :
Commémorations. Poursuivre les commémorations, comme celle du 19 mars 1962 demandée par plusieurs associations d’anciens combattants à propos des accords d’Evian, premier pas vers la fin de la guerre d’Algérie. D’autres initiatives de commémorations importantes pourraient être organisées autour de la participation des Européens d’Algérie à la seconde guerre mondiale ; du 25 septembre, journée d’hommage aux harkis et autres membres de formations supplétives dans la guerre d’Algérie ; du 17 octobre 1961, à propos de la répression des travailleurs algériens en France. A tous ces moments de commémoration pourraient être invités les représentants des groupes de mémoires concernés par cette histoire.
Témoignages. Organiser le recueil par cette commission de la parole des témoins frappés douloureusement par cette guerre pour établir plus de vérités et parvenir à la réconciliation des mémoires.
Emir Abdelkader. Construire une stèle à l’effigie de l’émir Abdelkader, qui lutta contre la conquête de l’Algérie par la France au milieu du XIXe siècle, à Amboise (Indre-et-Loire), où il vécut en exil entre 1848 et 1852. Le monument pourrait être érigé à l’occasion du 60ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, en 2022.
Ali Boumendjel. Reconnaissance par la France de l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel, ami de René Capitant et dirigeant politique du nationalisme algérien, tué pendant la bataille d’Alger, en 1957. Ce geste ferait suite à la déclaration du président Emmanuel Macron concernant Maurice Audin en septembre 2018.
Disparus. Œuvrer à la publication d’un « guide des disparus » (algériens et européens) de la guerre d’Algérie, sur la base des recherches du « groupe de travail » créé à la suite de la déclaration d’amitié signée lors de la visite du président François Hollande à Alger en 2012. Ce groupe avait été mis en place pour permettre la localisation des sépultures des disparus algériens et français de la guerre d’indépendance. Il devra poursuivre son travail.
Essais nucléaires et mines. Poursuivre le travail conjoint concernant les lieux des essais nucléaires français en Algérie, réalisés entre 1960 et 1966, et leurs conséquences, ainsi que la pose des mines aux frontières.
Restes humains. Poursuivre l’activité du comité mixte d’experts scientifiques algériens et français chargés d’étudier les restes humains de combattants algériens du XIXe siècle conservés au Muséum national d’histoire naturelle.
Oran, juillet 1962. Mettre en place une commission mixte d’historiens français et algériens pour faire la lumière sur les enlèvements et assassinats d’Européens à Oran en juillet 1962 ; entendre la parole des témoins de cette tragédie.
Cimetières européens et juifs. Encourager la préservation des cimetières européens en Algérie (travaux, entretiens, réhabilitations des tombes), ainsi que des cimetières juifs (comme ceux de Constantine et de Tlemcen).
Noms de rues. A l’instar de la mesure instaurée par le président de la République visant à donner à des rues de communes françaises des noms de personnes issues de l’immigration et de l’outre-mer, inscrire des noms de Français d’origine européenne particulièrement méritants, en particulier médecins, artistes, enseignants, issus de territoires antérieurement placés sous la souveraineté de la France.
Archives. Activer le groupe de travail conjoint sur les archives, constitué en 2013 à la suite de la visite du président Hollande en 2012. Le groupe s’est réuni à six reprises, jusqu’au 31 mars 2016. Ce groupe de travail sur les archives devra faire le point sur l’inventaire des archives emmenées par la France et laissées par la France en Algérie. Sur la base de ce travail d’inventaire, certaines archives (originaux) seraient récupérées par l’Algérie. Celles laissées en Algérie pourront être consultées par les chercheurs français et algériens. Le « comité de pilotage » pourrait proposer la constitution d’un premier fond d’archives commun aux deux pays, librement accessible.
Harkis. Voir avec les autorités algériennes la possibilité de faciliter les déplacements des harkis et de leurs enfants entre la France et l’Algérie.
Visas de chercheurs. La coopération universitaire pourrait, avant le règlement de la domiciliation des archives, trouver un moyen pour chacune des parties de montrer la volonté de transparence du passé commun. La France proposerait ainsi de donner chaque année à dix chercheurs, inscrits en thèse sur l’histoire de l’Algérie coloniale et la guerre d’indépendance dans un établissement universitaire algérien, la possibilité d’effectuer des recherches dans les fonds d’archive en France.
Le visa de chercheur à entrées multiples serait d’une durée de six mois, pouvant être prolongé de trois mois, ce qui correspond à une année universitaire. Le chercheur pourrait ainsi effectuer des allers-retours en fonction des besoins de sa recherche. Ce visa pourrait être renouvelable.
Afin que ces recherches puissent effectuées dans de bonnes conditions matérielles, un accord serait passé avec le Centre national des œuvres universitaires (Cnous) pour mettre à disposition une chambre au sein d’une cité universitaire proche des lieux d’archive dans des modalités pratiques à approfondir. Enfin, ces étudiants pourraient bénéficier pendant leur séjour en France de la même bourse d’étude que les étudiants français inscrits en thèse, au prorata de la durée de séjour.
En parallèle, des étudiants français, dans un nombre qui reste à discuter avec les autorités algériennes, devraient pouvoir bénéficier d’un visa à entrées multiples et d’un accès facilité aux archives algériennes concernant la même période.
Édition. Favoriser la diffusion des travaux des historiens par la création d’une collection « franco-algérienne » dans une grande maison d’édition. L’objectif serait de poser des bases communes aux mémoires particulières, de définir un cadre acceptable par tous, des deux côtés de la Méditerranée.
Traductions. Créer un fonds permettant la traduction du français vers l’arabe et de l’arabe vers le français d’œuvres littéraires et à caractère historique. Ce fonds pourra également prendre en charge les écrits de langue berbère.
Programmes scolaires. Accorder dans les programmes scolaires plus de place à l’histoire de la France en Algérie. A côté d’une avancée récente – ne plus traiter de la guerre sans parler de la colonisation –, il convient de généraliser cet enseignement à l’ensemble des élèves (y compris dans les lycées professionnels).
Jeunes créateurs. Aller vers la mise en place d’un office franco-algérien de la jeunesse, chargé principalement d’impulser les œuvres de jeunes créateurs (œuvres d’animation, courts-métrages de fiction, création de plate-forme numérique pour le son et l’image).
Musée. Réactiver le projet de musée de l’histoire de la France et de l’Algérie, prévu à Montpellier et abandonné en 2014.
Colloque. Organiser en 2021 un colloque international dédié au refus de la guerre d’Algérie par certaines grandes personnalités comme François Mauriac, Raymond Aron, Jean-Paul Sartre, André Mandouze et Paul Ricœur.
Exposition. Organiser en 2021 au Musée national de l’histoire de l’immigration une exposition ou un colloque sur les indépendances africaines.
Gisèle Halimi. Entrée au Panthéon de Gisèle Halimi, grande figure de l’opposition à la guerre d’Algérie.
Canon Baba Merzoug. Créer une commission franco-algérienne d’historiens chargée d’établir l’historique du canon « Baba Merzoug » ou « La Consulaire », ravi lors de la conquête d’Alger en 1830 et installé à l’arsenal de Brest, et de formuler des propositions partagées quant à son avenir, respectueuses de la charge mémorielle qu’il porte des deux côtés de la Méditerranée.